La Charrette


La Fontânerie de Didier Marlier


Il était autrefois en pays de Bavière

un couple de fermiers possédant peu de terre.

Ils avaient trois enfants qui aidaient leurs parents

à la grange et au four, au moulin et aux champs.


Ils oeuvraient tous très dur, se levant tôt matin,

Ils vivaient chichement, mais mangeaient à leur faim.

Ils savaient vivre ainsi, couchés tard levés tôt,

Mais voilà ce qui gratte, ils payaient l'impôt.


Ces vilains donc avaient une charrette et un âne,

au delà des montagnes, pensant trouver la manne,

ils partirent un matin vers une autre vallée,

ne sachant pas très bien où ils voulaient aller.


Montés dans la charrette, déjá chargée de foin,

ils riaient et chantaient, voyant la ferme au loin.

Mais le baudet butait, tirant le véhicule

sur le chemin montant, passant chaque monticule.


Ceux qui étaient assis ne pensaient à l'aider,

les roues grinçaient, criaient, l'axe prêt à céder.

Ils auraient pu descendre, porter du chargement!

L'âne suait et saignait, braillant tout en montant.


Au sommet de la côte, l'âne pourtant fatigué,

comme il fallait descendre, sur la pente résistait,

poussait dans l'autre sens pour ralentir l'allure

de la charrette en bois, c'était encore plus dure.


Mais après un virage, par instinct animal,

le baudet s'arrêta, sans vouloir faire le mal;

sans doute un éboulement, un risque d'avalanche?

Il s'arrêta tout net, le pére tomba des planches.


L'homme tout d'abord patient, appela dame raison,

lui disant d'avancer, que ce n'était plus long.

Mais s'il n'avançait pas, il aurait du bâton!

Pressentant le danger, Halibron disait non.


Maître Jacques en colère, sans pitié pour la bête,

frappa le bourricot qui n'en fit qu'à sa tête.

Mais les garçons crièrent: »Ça n'en vaut pas la peine!

Père, détachons l'âne, nous pousserons nous même! »


Le Père et les garcons poussèrent donc la voiture

qui, tirée par la pente, roula à toute allure.

On voulut l'arrêter, en freiner la vitesse,

on en fut pour sa peine, pour les jambes et les fesses.


La mère et la guimbarde s'écrasèrent en enfer,

sous les yeux ahuris des fils et puis du père,

dans la pluie et l'orage, ils cherchèrent leur chaumière,

et pleurèrent leur charrette, leur âne et puis la mère.


Didier Marlier